« L’ambition est une maladie de l’âme très nuisible à la tranquillité publique »

Qu’il est important pour entretenir la paix de tenir bas les ambitieux.

 

[…] L’ambition est une maladie de l’âme très nuisible à la tranquillité publique. Car il y en a qui, s’estimant plus sages que les autres et plus propres au maniement des affaires que ceux qui sont en charge dans l’État, comme ils ne peuvent pas faire voir par de bons services, combien leur vertu serait utile au public, ils tâchent, en nuisant, de se rendre considérables.

 

Or, d’autant que l’ambition et le désir des honneurs ne peuvent pas être arrachés de l’esprit des hommes, ceux qui gouvernent la République ne doivent pas travailler à cela. Mais, ils peuvent par une invariable application des peines et des récompenses, faire en sorte que les hommes sachent que le blâme du gouvernement n’est pas le chemin aux honneurs et qu’on n’y monte pas par des factions, ou par quelque petite réputation qu’on sème parmi le peuple, mais par des moyens tout contraires. Ceux-là sont vraiment gens de bien qui gardent les ordonnances de leurs ancêtres, qui obéissent aux lois et à l’équité.

 

Si donc nous voyions ceux-ci avancés aux honneurs par les souverains et que par une judicieuse et constante pratique les factieux demeurassent dans le mépris, ou chargés de quelque punition exemplaire, il y aurait plus de presse et on trouverait plus de gloire à obéir qu’à nuire. Il est vrai que quelquefois il arrive qu’il faut flatter un sujet insolent à cause de sa puissance, de même qu’un cheval indompté : mais comme un bon écuyer ne le caresse que pour le monter et en sait bien chenir dès qu’il est dans la selle ; aussi le souverain n’use de soumission envers un sujet, que lorsqu’il appréhende qu’il ne le désarçonne.

 

Mais, je parle ici de ceux dont la puissance est entière et absolue et je dis que leur devoir est de bien entretenir leurs sujets qui se tiennent dans l’obéissance et de mettre les séditieux sous le joug le plus qu’il leur est possible; car, sans cela, il n’y a pas moyen de maintenir l’autorité publique, ni de conserver le repos des citoyens.

Thomas Hobbes – De Cive ; Le citoyen ou Les fondements de la politique (1642)


[…] we said that that trouble of minde which riseth from ambition was offensive to publique Peace. For there are some who seeming to themselves to be wiser then others, and more sufficient for the managing of affaires then they who at present doe govern, when they can no otherwise declare how profitable their vertue would prove to the Common-weale, they shew it, by harming it;

but because ambition and greedinesse of honours cannot be rooted out of the mindes of men, its not the duty of Rulers to endeavour it; but by constant application of rewards, and punishments, they may so order it, that men may know that the way to honour is, not by contempt of the present government, nor by factions, and the popular ayre, but by the contraries. They are good men who observe the Decrees, the Lawes and Rights of their Fathers;

if with a constant order we saw these adorned with honours, but the factious punisht, and had in contempt by those who bear command, there would be more ambition to obey, then withstand. Notwithstanding it so happens sometimes, that as we must stroke a horse by reason of his too much fiercenesse, so a stiffe-neckt subject must be flatter’d for fear of his power; but as that happens when the rider, so this, when the Commander is in danger of falling.

But we speak here of those, whose authority and power is intire. Their duty (I say) it is to cherish obedient subjects, and to depresse the factious all they can; nor can the publique power be otherwise preserved, nor the subjects quiet without it.

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